26/01/2017

Le véhicule autonome: dur coup pour la pub automobile

En cette saison des salons de l’auto, les constructeurs rivalisent d’innovations. Ils présentent des véhicules plus écologiques, plus performants, mais surtout, de plus en plus autonomes. La question n’est plus «si», mais bien «quand» aurons-nous des véhicules capables de se conduire seuls. Les plus technoptimistes prédisent que si vous avez un enfant de moins de 5 ans, il est inutile de mettre de l’argent de côté pour son cours de conduite… Pour le publicitaire, ça soulève des questions presque existentielles. Comment vendre l’automobile s’il n’y a plus le plaisir de la conduite, plus d’adrénaline, plus de bolides s’élançant sur une route sinueuse de montagne?

D’une part, on se mettra à vendre des salons sur roues. Des sièges confortables, des écrans multiples, des espaces de repos. Le défi pour les constructeurs: on est réticent à dépenser quand on ne conduit pas. On paye moins pour la capacité d’accélération quand on ne tient pas le volant. C’est ridicule d’investir dans un gros moteur quand tous les véhicules se déplacent, à la file, à la vitesse uniforme déterminée par l’ordinateur de bord et le GPS. En ce sens, le cœur de l’industrie automobile pourrait bientôt ressembler à l’aviation. On achète un service, une expérience, un confort… pas un appareil. La catégorie deviendra plus rationnelle. La relation affective entre l’Homo economicus et sa marque de voiture sera remplacée par un achat de commodité. Le processus décisionnel se réduira-t-il à la capacité de se déplacer du point A au point B de façon sécuritaire et économique? Certains payeront pour une automobile plus spacieuse ou plus luxueuse, comme certains payent pour voyager en première classe. Mais sans pouvoir se convaincre de la supériorité de son moteur ou sans l’expérience de la conduite, c’est un important chapitre du guide de vente automobile qui doit être réécrit.

En revanche, si vous ne conduisez pas, vous pouvez investir votre temps de transport à la lecture ou à la consommation média. Plusieurs analystes suggèrent que Alphabet, la compagnie mère de Google, s’investisse dans le développement du véhicule autonome principalement pour récupérer, sur son moteur de recherche ou sur YouTube, nos quelque 50 minutes de déplacement quotidien. Pour les géants du web et les médias, monétiser cette attention serait aussi rentable que la vente des véhicules.

Et la passion des amateurs automobiles dans tout ça? Tous ces «gars et filles de char» ne gagneront pas la banquette arrière de gaieté de cœur. Qu’adviendra-t-il du sentiment de liberté? De l’impression d’invincibilité de certains VUS? De l’amour quasi identitaire entre un boomer cheveux-gris-au-vent et son cabriolet? Une deuxième frange de l’industrie automobile deviendra un marché de loisir. On nous vendra certains véhicules comme on nous vend les VTT ou les motomarines. Le terme «véhicule de promenade» reprendra tout son sens. D’ailleurs, peu de ces véhicules servent pour des déplacements fonctionnels. Il y a bien quelques motoneiges qui permettent de desservir des régions éloignées, mais la plupart sont utilisées pour les loisirs. Leurs conducteurs recherchent l’expérience, l’adrénaline. En motomarine, on ne va pas nulle part… on s’amuse. En ce sens, un pan de l’industrie automobile s’apparentera au marché des véhicules récréatifs.

Bien comprendre l’avenir de la vente automobile est crucial pour l’industrie publicitaire, alors qu’encore aujourd’hui, les constructeurs et concessionnaires accaparent quelque 10% de tous les budgets publicitaires au Québec. Et les questions liées à l’avenir des véhicules autonomes sont plus importantes que la vente des bolides. Que ferons-nous du réseau d’affichage sur les autoroutes si personne n’est tenu de garder les yeux sur la route? Et si les panneaux pouvaient savoir qui est à proximité et proposer des messages sur mesure? Une autre industrie qui doit se remettre en question est l’assurance automobile. Qu’adviendra-t-il d’elle quand il n’y aura plus personne pour oublier de vérifier son angle mort? À l’autre bout du spectre, les restaurateurs, les brasseurs et distillateurs de boissons alcoolisées sont impatients de voir l’arrivée du conducteur désigné… électronique. En affaires, le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres.

Article originalement publié sur L’actualité.

Image tirée de newyorker.com

Stéphane Mailhiot
Stéphane Mailhiot
Vice-président, stratégie 
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