À Noël cette année, je sais ce que vous allez donner à vos proches. Pas le nouveau casque de réalité virtuelle de PlayStation, pas un livre à colorier pour adulte, pas un t-shirt de Safia Nolin qui a un t-shirt de Gerry Boulet… Ce sera du plastique.
Beaucoup d’argent en plastique. Jamais la carte-cadeau n’a été aussi populaire. Pas moins d’un Québécois sur deux en mettra une sous le sapin, selon le Conseil québécois du commerce de détail. Il y a 10 ans, c’était à peine plus d’un sur trois.
La tendance ne va pas ralentir. Les marchands veulent vous vendre cette fameuse carte-cadeau autant que vous aimez la facilité qu’elle procure.
Et Noël n’est pas une exception. Ces cartes sont si populaires que les Canadiens déclarent en donner quatre par année en moyenne — pour une valeur totale de 120 dollars. C’est plus de 240 millions de dollars qui y seront téléchargés au Québec à l’approche des Fêtes.
Pour les détaillants, les cartes téléchargeables sont devenues un incontournable. Il n’est pas rare de voir les ventes de bons-cadeaux doubler chez un détaillant quand il passe au format plastique.
Et pourtant, des dizaines de millions de dollars en bonnes intentions meurent au fond d’un tiroir ou dans une section oubliée de votre portefeuille. Bien qu’elles figurent en tête de liste des présents souhaités, une sur cinq ne sera jamais utilisée.
Pour les marques, c’est gagnant-gagnant. Chaque carte vendue représente de l’argent qui entre sans qu’elles aient à donner en retour. Tching-tching. Et pour toutes celles qui seront bel et bien utilisées en magasin, de nombreux consommateurs en profiteront pour acheter davantage que la valeur de la carte. Re-tching-tching.
En plus, ces ventes supplémentaires sont souvent générées peu de temps après Noël, pendant la période anémique du commerce de détail.
Pour bon nombre d’économistes, la popularité croissante de ces présents serait une réponse à la désillusion des cadeaux de Noël. Le cadeau choisi en magasin et bien emballé se transformerait souvent en gaspillage d’argent et de ressources. Une «destruction de valeur» dans le jargon des économistes, parce que le cadeau vaut plus cher aux yeux de celui qui l’offre qu’aux yeux de celui qui le reçoit. La personne qui donne est prête à dépenser un peu trop pour faire plaisir, alors que la personne qui reçoit n’aurait jamais mis autant d’argent si elle avait eu à payer de sa poche.
Si on additionne tout l’argent dépensé et la satisfaction qui en résulte, on s’appauvrirait collectivement tous les 25 décembre!
Cet écart de perception (comme le mauvais jugement du beau-frère) est responsable des innombrables cravates oubliées, produits de beauté qui s’empoussièrent et balances de cuisine qui ne voient jamais la lumière du jour. Pourtant, l’oubli au placard n’est pas la seule solution.
Depuis la crise économique de 2008, le tabou du recyclage de cadeaux non désirés est définitivement enterré et on tente de plus en plus de donner une deuxième vie à ces présents malheureux. C’est maintenant 83 % des Américains qui se disent à l’aise avec le recyclage de cadeaux, et la recherche pour le terme «regifting» explose chaque année en décembre sur Google. Sans oublier que de nombreux cadeaux non désirés se retrouvent sur LesPAC, Kijiji ou eBay avant même les soldes d’après Noël.
Les cartes-cadeaux aussi peuvent être refilées. Il existe même des plateformes en ligne qui proposent d’acheter ou d’échanger la valeur de vos cartes-cadeaux non utilisées, ou le montant résiduel qui dort dessus. On vous proposera généralement 80 % de la valeur de la carte en argent, et certains vous offriront un peu plus en carte d’essence. Bref, plus aucune bonne raison de laisser vos cadeaux sombrer dans l’oubli.
La carte-cadeau peut donc faire plaisir à tout le monde. C’est pratique pour qui la donne, c’est flexible pour qui la reçoit et c’est payant pour qui la vend. Qui sait, certains feront même plaisir une deuxième fois, parce que le plastique, ça se recycle.
Article originalement publié dans L’actualité