Pourquoi une marque dépenserait-elle ses précieux dollars destinés à la publicité pour faire la promotion d’un de ses produits les moins onéreux, qui ne fait pas courir les foules et qui est purement fonctionnel? C’est pourtant ce que fait Ikea en célébrant son célèbre sac bleu Frakta dans une publicité.
La marque suédoise cherche, certes, à faire passer notre amour de son sac pratique aux autres produits du magasin, mais elle souhaite surtout construire un emblème de marque.
Ces symboles deviennent des incarnations de la marque et la rendent plus tangible. Le côté abordable, pratique et sans artifice inutile sont des perceptions qui rejailliront sur la marque entière. De plus, un emblème permet souvent à la marque d’élargir son empreinte dans nos vies. Plus on voit le sac, plus Ikea demeurera présente à notre esprit.
Cette campagne de communication arrive pile, puisque la marque de luxe Balenciaga vient de mettre en vente un sac cabas bleu en forme de trapèze qui ressemble étrangement au Frakta d’Ikea. Les internautes ont tôt fait de noter la similarité entre ce sac de plus de 2 500 dollars et le célèbre sac suédois à un dollar. La réponse d’Ikea: savoureuse explication de la façon de reconnaître un authentique sac Ikea.
Encore une fois, la marque souligne son accessibilité et son utilité fonctionnelle. Le ton irrévérencieux est en phase avec le reste des communications du géant suédois. L’ironie d’une marque populaire qui «dénonce» le plagiat d’une marque de luxe a contribué au partage en ligne et alimente le mythe populaire d’Ikea.
Mais pourquoi cet intérêt grandissant pour les emblèmes ? Une étude de neuromarketing a confirmé que les gens ne préfèrent pas le Coca-Cola en raison de son goût, mais bien des souvenirs que le produit évoque. Les tests ont montré que, lors d’une dégustation à l’aveugle, la boisson gazeuse anime les zones du plaisir, mais que lors de l’expérience avec la marque, ce sont davantage les zones de la mémoire qui prennent le relais.
Les symboles jouant dans notre tête, il n’est pas surprenant que les marques s’affairent à construire ces emblèmes, souvent ostentatoires, et à y associer des expériences positives.
Autre exemple: chez Stella Artois, le verre est l’emblème indissociable de la marque. Les gens du marketing l’appellent le calice. Le procédé de service de la parfaite Stella part du verre. La bière y est présentée comme meilleure, comme le goût des plats chinois serait amélioré par la boîte en carton. Le calice, c’est l’emblème pur de la marque, reconnaissable de la table d’à-côté, affirmant le raffinement de celui qui le boit. Il n’est pas surprenant que les brasseurs, à l’instar de la bière d’origine belge, insistent pour que leur bière soit servie dans un verre à l’image de la marque.
Le cas le plus flagrant de «construction de mythe» a été offert par l’iPod. Apple nous a habitués à célébrer la créativité et à offrir des produits aux interfaces simples et aux designs épurés. À son lancement, l’iPod n’était pas le lecteur MP3 le plus puissant de la catégorie, mais grâce à sa roulette, il offrait une navigation plus agréable.
Mais ce qui en a fait un produit emblématique, c’est un élément «magique» qui n’a aucun effet sur la qualité sonore, mais qu’aucun des Sony, RCA ou Philips n’offrait : des écouteurs blancs. Leur couleur à contre-courant permettait aux amateurs de consommer le mythe d’Apple de façon très visible, et de s’associer à la marque. À partir de 2001, porter des écouteurs blancs était perçu comme une manière de signaler sa créativité.
Article originalement publié dans L’actualité.
Image tirée de The Poke