La semaine dernière, je me vantais en ligne que ça sentait bon la tourtière chez moi. Elle était tout à fait délicieuse. Rapidement, Loic Nunez me répond « Une vraie, genre Lac-Saint-Jean? » Quelques « likes » et une demande de recette plus tard, j’ai invité la curatrice de la recette familiale, ma tante et réputée chef, Louise Duhamel, à nous entretenir de tourtière du Lac et d’ailleurs, ici même. Alors, léchez-vous les babines, cuisinez et entamez avec entrain le temps des Fêtes. Quant à moi, je promets de mettre la main à la pâte dès l’an prochain!
Affamé? Passez directement à la recette.
« C’est la toure-toure-tour’ la tourtière. Qu’on sa-voure-voure-vour’ tout entière. » Quelle soit chantée par Lionel Daunais, La Bottine souriante ou votre belle-soeur (pas dans ma famille), la tourtière est désirée, souhaitée, attendue et peut-être même déjà consommée au moment où vous lisez ces lignes. Nicolas?
Qu’elle vienne du Lac-Saint-Jean, de Charlevoix, de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent ou de la région de Montréal… on veut pas savoir!
Qu’elle soit faite de gibier, de tourte, de veau, de boeuf ou de cochon effiloché, ou encore revampée à la mode du jour comme à la cabane à sucre de Martin Picard, la tourtière est, de toute façon, un sujet de discorde entre les différentes régions. Un conseil: n’abordez pas le sujet le soir de Noël, surtout si vous êtes un invité de passage!
On n’a pas inventé la tourtière. Tenez-vous-le pour dit, c’est une vérité du marquis de La Palice. Et puis, quand les Anglos se permettent même (Tourtiere recipe and instructions, Canadian Living) d’y ajouter « beef stock, garlic, mushrooms, celery, bread crumbs, parsley… », y’a vraiment pas de quoi faire une polémique. C’est peine perdue.
Moi, Louisette, la tartine préférée de Nicolas, je vous dis que le succès d’une bonne tourtière tient à deux choses: elle doit être faite avec amour et avec des ingrédients de bonne qualité. Pour que la tourtière sente bon dans la maison et que la tourtière goûte bon, il faut la cuisiner dans la joie. Créez l’ambiance avec quelques musiques de Noël, préparez-la en bonne compagnie (moi c’est avec mes soeurs, mères et matantes de nos progénitures respectives) et pensez à ceux qui vont la déguster.
Vous voulez des trucs? Il faut à peine travailler la pâte qui doit être faite de lard ou de saindoux. Demandez à votre boucher sa meilleure viande. Moi je remercie mon boucher de Val-David qui vend de la viande locale, sans hormones et bien fraîche. La viande doit être grasse sans trop (épargnez-nous vos commentaires sur le gras, vous en ferez vos résolutions de janvier 2013!) Ajoutez des pommes de terre râpées ou taillées en tout petits dés, elles absorberont le gras et rendront votre tourtière plus moelleuse, tout en allégeant sa texture. Une fois cuite (pas trop longtemps, juste assez), il faut égrainer la viande pour éviter les gros « mottons ».
Donnez-vous la peine de parfumer votre viande à tourtière avec des bâtons de cannelle, surtout n’utilisez pas la cannelle en poudre qui traîne au fond de votre armoire depuis quelques années! Vous pourriez aussi choisir d’y ajouter de la sarriette que vous avez cultivée amoureusement dans votre jardin, ou sur votre balcon ou toiture, c’est si « in », ou encore la cueillir fraîche, le jour même, sous la nouvelle neige, comme je l’ai fait. C’est encore plus délirant… aurait chanté Vian.
Ah! Vous n’avez pas de recette? Alors voici celle que, d’année en année, je cuisine en espérant toujours, avec mes soeurs, qu’une sacrée relève familiale (notre progéniture) nous fasse le plaisir de mettre la main à la pâte. Et je m’en fous si cette relève décide de changer la recette, juste pour son bon plaisir. Et à notre descendance, je lui dis même plus, cela nous ferait un très très très grand plaisir. Je lui dis d’avance, merci!
Bon appétit et joyeuses Fêtes!
— Louise Duhamel
Recette de tourtière des Sainte-Marie
Recette pour 3 tourtières de 9 pouces (23 cm). Vous en donnez une à des amis, vous congelez la deuxième et vous mangez la troisième dans la semaine qui suit votre séance de cuisine.
La farce
Ingrédients:
- 1 lb (500 g) de porc haché
- 1 lb (500 g) de veau haché
- 5 onces (150 g) d’oignon, pelé et haché
- 12 g de sel
- Des bâtons de cannelle, au goût
- 2 unités de clous de girofle, écrasés finement en poudre
- De la sarriette de qualité, au goût
- 1/2 tasse (120 ml) d’eau
- 5 onces (150 g) de pomme de terre rapée ou en petits dés
Méthode:
- Mélangez tous les ingrédients, sauf la pomme de terre. Amenez au point d’ébullition et laissez mijoter à feu doux pendant 20 minutes en brassant de temps en temps.
- Ajoutez la pomme de terre et laissez cuire jusqu’à ce que la viande soit complètement cuite.
- Refroidir.
- Émiettez la viande pour qu’elle soit légère et sans « mottons ».
La pâte
Ingrédients:
- 5 tasses (1,375 l) de farine tout usage
- 2 cuillères à thé (10 ml) de sel
- 1 lb (500 g) de lard ou saindoux (Tenderflake)
- 1 cuillère à table (15 ml) de vinaigre
- 1 œuf légèrement battu
- eau froide
Méthode:
- Ajouter le lard à la farine mélangée avec le sel, de façon à sabler le mélange.
- Mélanger le vinaigre et l’œuf dans une tasse graduée. Ajouter l’eau pour obtenir 1 tasse (250 ml) de liquide.
- Ajouter le liquide pour que la pâte se tienne. Couvrir la pâte et laisser reposer au réfrigérateur 30 minutes.
Montage
- Roulez la pâte pour obtenir une abaisse de 150 g. Remplissez la tourtière de 500 g de farce.
- Roulez une autre abaisse de 100 g et n’oubliez pas de découper au centre un petit trou de 2 cm de diamètre. Collez les bords avec du lait ou de l’eau. Pincer les bords selon votre imagination débordante.
- Au pinceau, humectez de lait le dessus de votre tourtière. Cela donnera une belle croûte dorée.
- Mettez les tourtières à cuire au four à 375F, environ 30 à 35 minutes. Le fond de tourtière doit être doré.
- Refroidissez sur une grille.
À propos de Louise Duhamel
Cuisiner avec les meilleurs produits des fournisseurs locaux: telle a toujours été la devise de Louise Duhamel, sur laquelle s’est bâtie sa réputation durant ses 35 ans de carrière. C’est avec l’ouverture d’un petit bistro dans les Laurentides qu’elle fait ses marques avant de fonder son propre restaurant, Le Loup Garou, où elle travaillera durant 15 ans. Louise met ensuite sur pied l’école de cuisine Parfums & Saveurs à Sainte-Adèle, puis entre comme chef au complexe de ski La Réserve.
Alors qu’elle occupe la fonction de chef exécutive au Langdon Hall situé à Cambridge en Ontario, Gourmet Magazine consacre un article au prestigieux restaurant classé Relais et Château. Louise travaille également avec Charles Barrier, chef et propriétaire du renommé restaurant Le Nègre à Tours, ainsi qu’à l’Hôtel de Crillon à Paris.
Louise est aujourd’hui chef instructrice à l’École hôtelière des Laurentides où elle transmet sa passion de la cuisine à une nouvelle cohorte d’amoureux de la bonne chère. Elle anime des capsules culinaires sur le site Les Touilleurs, tient une chronique dans le journal Ski-se-dit et profite joyeusement des marchés d’été et d’hiver de Val-David.
Crédit photo : Woman Cooking in a Kitchen, U.S. National Archives