16/05/2018

Le commerce de détail à la rescousse du commerce électronique

Toys ‘R’ Us ferme ses portes. Sears n’est plus. Macy’s revoit sa stratégie commerciale en catastrophe avant qu’il ne soit trop tard. Pour plusieurs, c’est la fin d’une époque; le commerce physique cède le pas au commerce électronique.

Pourtant, depuis quelques années, on observe un ralentissement dans la progression du commerce électronique. On assiste même à une sorte de «retour à la terre» des bannières autrefois exclusivement électroniques.

Amazon ouvre des librairies après avoir causé la mort d’un grand nombre d’entre elles. Le géant du commerce électronique achète Whole Foods qui représente des millions de mètres carrés d’épicerie. Le lunetier en ligne Warby Parker multiplie les adresses physiques alors que l’initiative numérique de quatre étudiants de Philadelphie est aujourd’hui évaluée à plus de 1 milliard de dollars. Chez nous, la boutique de vêtements Frank And Oak compte aujourd’hui seize points de vente au Canada et en ouvrira trois autres dans les prochains mois. Pourtant, Frank And Oak est une référence canadienne en matière de commerce électronique.

Avec tout ce succès, pourquoi revenir aux boutiques physiques ? Parmi toutes les raisons possibles, en voici cinq qui retiennent mon attention:

1. Toucher, voir, sentir et essayer avant d’acheter est encore nécessaire.

Les consommateurs ne se sont jamais vraiment éloignés de l’achat en magasin. Les milléniaux y sont même particulièrement présents. C’est la façon de magasiner et acheter qui a changé.

J’ai pu m’entretenir avec un représentant de Frank And Oak à ce sujet. L’entreprise québécoise recevait beaucoup de demandes de clients désirant essayer les vêtements avant d’acheter en ligne. Elle a donc ouvert une salle de démonstration sous son atelier de la rue Saint-Viateur à Montréal. Une fois sur place, les clients pensaient repartir avec les vêtements essayés, mais on n’y tenait pas d’inventaire. Leçon retenue, Frank And Oak compte aujourd’hui des boutiques où les gens peuvent toucher, voir, essayer et… repartir avec leurs achats.

2. Une boutique physique est un super véhicule de notoriété.

«Les boutiques sont d’excellents ambassadeurs de marque qui génèrent du trafic vers notre site web et accélèrent nos ventes en ligne.»

– Dave Gilboa, cofondateur de Warby Parker

Pour une marque, l’ouverture de boutiques physiques signifie que plus de gens la recherchent et en font mention sur le web, ce qui favorise les ventes. C’est en partie ce que sous-entend la citation de Dave Gilboa, mais il ne fait pas seulement allusion aux recherches en ligne.

La plupart du temps, les ventes de plusieurs boutiques ne suffisent pas à justifier l’espace physique occupé. Ces boutiques de prestige sont autant un lieu de détail qu’un panneau publicitaire qui nous promet une expérience de marque.

3. Commerce physique, commerce d’expérience.

Le commerce d’aujourd’hui, c’est une expérience d’achat personnalisée, uniforme et sans embûches à travers de multiples canaux. En deux mots, c’est du commerce omnicanal. Le commerce d’expérience en est le crémage. L’intention est de faire vivre une expérience d’achat mémorable à sa clientèle. On réfléchit l’expérience en fonction des clients qui la vivent et non seulement des produits qu’on vend.

Frank And Oak offre un service de barbier et de barista à même ses boutiques de vêtements. Warby Parker mise sur l’expertise d’optométristes et le décor de la boutique, très épuré, à l’image de la marque. Outre l’expérience d’achat «entrez, sortez sans passer à la caisse», Amazon tire profit de son site internet pour savoir quels livres vendre, et fait la démonstration sur place de ses produits comme la liseuse Kindle.

Le commerce d’expérience bien fait laisse une bonne impression sur sa clientèle, crée des ambassadeurs naturels et encourage leur fidélité. C’est sans contredit l’apport le plus important de la boutique physique.

4. Les limites du commerce électronique.

En 20 ans, le e-commerce a bouleversé les habitudes d’achat des consommateurs sans s’imposer. Aujourd’hui, le commerce électronique représente autour de 10 % des ventes effectuées dans le monde. Sa progression a même ralenti ces dernières années, et semble maintenant se stabiliser. En considérant en plus qu’il y a environ 800 000 boutiques électroniques à ce jour pour se partager les ventes en ligne, on comprend que l’environnement est compétitif. Si les géants comme Amazon et Ali Baba marquent les esprits, il ne faut pas oublier que l’autre 90 % des achats s’effectuent toujours en personne, dans une boutique ou une grande surface.

5. Google aime les boutiques physiques.

Pour être compétitif, apparaître aux premiers rangs dans les résultats de recherche en ligne est essentiel. Or, une stratégie de référencement peut être extrêmement coûteuse. Sachant que Google favorise les commerçants ayant pignon sur rue, avoir une boutique physique peut s’avérer moins onéreux.

Alors, pourquoi revenir aux boutiques physiques?

La concurrence se mondialise et les points de contact se multiplient. On parle de moins en moins de produit et de plus en plus d’expérience. Commerce électronique et commerce physique sont à la croisée des chemins. À cet endroit, l’électronique et le physique ne sont ni en opposition ni en complémentarité, ils s’harmonisent au profit d’une expérience client exceptionnelle. Plus qu’un retour à la terre du commerce, on assiste à un véritable retour vers le futur de celui-ci.

Maxime Croteau
Maxime Croteau
Stratège UX
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