Je ne vous apprends rien si je vous dis que les femmes contrôlent les dépenses de consommation des ménages et qu’elles sont les plus actives sur les médias sociaux. Lorsqu’on élabore un concept publicitaire, c’est souvent à elles qu’on s’adresse. Selon cette logique, les femmes devraient se retrouver au cœur du processus de création publicitaire. Toutefois, en 2012, aux États-Unis, seulement 3% des postes de directeur de création étaient occupés par des femmes.
Cette sous-représentation dans nos agences ne se situe pas seulement dans le département de création: elle se retrouve aussi dans la haute direction. Selon l’étude économique de l’A2C, 57,2% des employés d’agences au Québec sont des femmes, mais les hommes représentent 80,9% des associés, 77,4% de la direction générale et 64,3% des membres des conseils de direction.
Pour Kat Gordon, conceptrice-rédactrice et aujourd’hui fondatrice de The 3% Movement et de la conférence du même nom, les agences les plus profitables et les plus créatives sont celles où les postes-clés sont occupés par un ratio plus équitable d’hommes et de femmes.
Le 30 août dernier, j’ai assisté à une de ces conférences données à la Miami Ad School de Toronto. J’y ai rencontré beaucoup de femmes et, heureusement, des hommes qui réclament plus de diversité dans notre industrie. Non pas parce que c’est à la mode, que c’est politically correct ou parce que ça paraît bien, mais parce que c’est bon pour la business.
J’ai eu envie de vous faire part de ce qui m’a le plus fait réfléchir.
Pitch life
Combien de fois votre agence pitche-t-elle avec une équipe de gars alors que les clients sont souvent des clientes? Ou encore pire, que la marque s’adresse principalement aux femmes? Si vous voulez gagner des pitchs, assurez-vous que votre équipe soit mixte. Cela aura un impact positif sur votre culture d’entreprise et votre marque employeur. Il y a près de vous des femmes douées qui peuvent vous aider, et pas seulement pour monter votre Keynote.
Leadership
Un leader n’est pas obligatoirement un homme autoritaire et débordant de confiance. Un leader écoute, discute, analyse, projette, rassemble. Il fait grandir les autres, les accompagne et donne des opportunités aux membres de son équipe. Défier notre perception du leadership nous permet de considérer des gens qu’on écarte vite pour les mauvaises raisons.
Take a chance on me
Selon Wendy Clark, chef de la direction de DDB North America, on estime qu’on ne prend jamais de risque en donnant une promotion à un homme. Alors que promouvoir une femme est toujours perçu comme risqué. Et si elle tombe enceinte? Si elle doit s’occuper de ses enfants? Parfois, elle est trop gentille et l’on craint son côté fragile et émotif. Après tout, un boss, ça ne pleure pas… Si, au contraire, elle est plus directe, c’est probablement une véritable bitch contrôlante du type «Line-la-pas-fine». Je suis trop crue? Je manque de nuances? J’exagère? Prouvez-moi le contraire.
Montrer l’exemple
Pour que les choses changent, ça prend des filles ET des gars. Présidents, v.-p. et associés, je ne vous demande pas de virer vos DC et de renvoyer la moitié de votre équipe de direction pour embaucher des filles. Je suis une féministe, donc pour l’égalité. Je vous demande de commencer par poser des gestes concrets pour permettre à vos employées de développer leur plein potentiel, puis de vous surprendre. Voici quelques idées:
- Ne tolérez jamais les remarques sexistes dans votre agence. Si vous ne dénoncez pas, vous consentez;
- Éliminez la notion de compte de gars et de compte de filles. Je vous donne un scoop: les femmes regardent le Super Bowl et achètent des voitures 😉
- Encouragez les femmes de votre équipe à prendre la parole dans votre agence, devant les clients et dans l’industrie;
- Travaillez en collaboration avec vos ressources humaines pour anéantir les inégalités salariales et mieux soutenir les parents;
- Proposez à vos clients des concepts publicitaires qui valorisent les femmes.
Comment Kevin Roberts, grand patron de Saatchi & Saatchi, a-t-il pu croire que le débat sur l’égalité dans le monde de la publicité était dépassé? Comment se fait-il que la femme la plus connue en pub soit Peggy Olson, un personnage fictif de la série Mad Men?
Personne n’a dit qu’atteindre la parité était chose facile. Mais si notre gouvernement fédéral a été capable de former un cabinet de ministres mixte ET compétent, pourquoi notre industrie, soi-disant ouverte et progressiste, fait-elle encore mauvaise figure? Avons-nous encore le choix d’ignorer les femmes?
Dans une entrevue accordée à Ad Age à propos du processus d’appel d’offres de General Mills USA, Ann Simond, directrice du marketing en chef de la marque, explique qu’elle exige que ses agences soient dotées d’au moins 50% de femmes et de 20% de personnes de couleur au sein du département de création.
Je me demande sincèrement s’il y a une agence québécoise qui serait en mesure de gagner ce compte.